Les réseaux de l’isolement et de la communication

La Libre
Claude Lorent pour La Libre 

Les nouvelles peintures fluorescentes et carcérales de Peter Halley chez Maruani Mercier. Et quelques anciennes.

 

Chaque nouvelle exposition du peintre américain qui suit, depuis la fin des années septante, une trajectoire structurelle basée sur la géométrie, trouve son identité dans un type de dispositif des composantes et dans le choix des couleurs. Cette fois, les toiles adoptent des couleurs fluorescentes particulièrement lumineuses dans une variété de teintes puissantes. Presque éblouissantes. On pourrait parler de couleurs luminescentes tant elles rayonnent, tant elles émergent de la toile pour se projeter vers le regardeur qui se sent imprégné. Quant aux compositions, elles se basent cette fois sur les agencements de trois entités aux dimensions et formes variables. Soit des carrés, soit des rectangles. Le peintre maintient une unité de vocabulaire tout en modulant sans cesse les propositions. Cette esthétique emprunte ses tonalités à tout ce qui souhaite être vu, être remarqué. Dans la mode vestimentaire, dans la publicité et autres espaces comme les boîtes de nuit. Ce sont des couleurs conquérantes et envahissantes qui ont le don de diffuser une ambiance agréable, joyeuse, attractive. Des couleurs qui dégagent une tonicité positive, attirante. On pourrait en rester là et les oeuvres dans cette optique, se suffisent largement à ellesmêmes. Elles ont gagné la confiance et l’adhésion. 

 

Simulation 

Au demeurant, cesoeuvres sont codées et la clé d’accès est la théorie du simulationnisme de Jean Baudrillard appliquée à l’environnement dans lequel l’artiste (et nous) évolue et aumonde de la technicité numérique dans lequel nous baignons. Peter Halley met en place une situation paradoxale. Les trois entités principales sont reliées entre elles par des routes (lignes) dont les couleurs, comme des fils électriques, jouent chacune un rôle spécifique. Ce sont nos circuits imprimés, nos voies de circulation, les structures urbaines, nos appareils connectés,… autrement dit nos réseaux de communication réels ou virtuels. Le peintre dessine et colorie nos contacts dits sociaux, personnels, sociétaux, nos sources d’informations, nos circuits de relations. Il simule nos espaces et nos relations sociales, humaines. Il trace les trajets au départ de chaque figure striée par des lignes verticales.Des figures fermées, sans issues. Sans échappatoire puisque les fenêtres sont grillagées comme des cellules de prison. Serait-il en train de nous dire que malgré tous nos réseaux, malgré les échanges intercontinentaux voire interplanétaires, que nous sommes prisonniers de nos systèmes et que la liberté est une illusion ? Et les belles couleurs attrayantes, dans cette optique, seraientelles des leurres ? L’art comme reflet du monde actuel et comme vecteur de communication ? Voilà en tout cas qui mérite réflexion et confère à cette peinture, outre le plaisir qu’elle donne, un rôle insoupçonné.

28.9.2018