Héroïnes & Just Like A Woman: Bettina Rheims
Les « nouvelles » femmes de Bettina Rheims sont à l’opposé de ces clichés des magazines de mode : elles nous offrent une beauté venue de l’intérieur, née de leur charisme, qui se dévoile dans leur abandon sur le caillou.
Heroïnes
Cette série marque l’aboutissement d’un désir profond de l’artiste, celui d’établir un rapport à la sculpture dans sa création photographique. Le caillou utilisé ici comme unique élément de décor s’envisage tel un socle que l’artiste offre à ses modèles, comme si elle voulait offrir un piédestal à leur charisme. Si le rapport à la sculpture s’affirme ainsi de manière évidente dans la présence du caillou comme élément central du décor, il se trouve aussi dans la manière dont les femmes photographiées sont enveloppées dans le vêtement, moulées dedans.
Bettina Rheims a souhaité faire habiller ces femmes par un créateur, son ami Jean Colonna, dont la modernité la séduit depuis toujours.
Ces modèles souvent anciens, malmenés par le temps, abîmés, salis, parfois déchirés ont été rassemblés par Jean Colonna dans une recherche sculpturale implicite, leur redonnant ainsi une nouvelle vie, et un autre sens à cette idée de la haute couture aujourd’hui.
La photographe choisit de nous offrir des portraits «décalés» de ces femmes qui, étant mannequins, actrices, danseuses, sont habituellement représentées comme les plus belles femmes du monde; qu’elles se nomment Milla Jovovitch, Natasa Vojnovic, Asia Argento, Laetizia Venezia ou Rona Hartner, toutes font les pages «people» des magazines avec une beauté plastique indubitable.
Les « nouvelles » femmes de Bettina Rheims sont à l’opposé de ces clichés des magazines de mode : elles nous offrent une beauté venue de l’intérieur, née de leur charisme, qui se dévoile dans leur abandon sur le caillou.
Just Like a Woman
Allongées sur des draps imprimés de couleur, les femmes de cette nouvelle série nous rappellent les modèles de Chambre Close qui posaient sur des fonds tous différents de papiers peints colorés ; de la même manière, ici chaque drap correspond à une femme.
Photographiant pour la première fois ses modèles vues de dessus et les plaçant ainsi lors de la prise de vue dans un rapport de proximité et d’intimité encore plus étroite avec elle, Bettina Rheims semble saisir ces femmes au réveil le matin ou dans un moment entre-deux, celui d’une «beautiful agony», entre plaisir et extase, entre souffrance et agonie… Seule l’expression de leur regard peut nous guider pour comprendre leurs sentiments intimes dans cet instant fugace. Ces femmes posent nues ou en lingerie, leurs joues sont rouges du trouble qui les habite et leurs peaux colorées portent des empreintes apparentes, telles celles de leurs sous-vêtements… A la différence des Héroïnes, leurs yeux ne sont pas hagards et les marques sur leur corps ne sont pas les témoins des meurtrissures ou des stigmates de la vie. Au contraire, une fois mises debout, elles expriment tout à coup un jaillissement, comme des gisants qu’on relève, un jaillissement lié ici au désir.