Les peintures de Francesco Clemente pendant le confinement

Les Echos

Si on a assez d'expérience pour ne pas dire d'années, dans le monde de l'art on aura entendu parler de Francesco Clemente depuis la fin des années 70. Fameux représentant de ce mouvement pictural italien qu'on a appelé la Trans-avant-garde qui traitait de peinture à un moment où cet exercice était remis en question, Clemente est devenu une star dès les années 80 à New York. Si on doit résumer maladroitement son travail on dira que l'artiste né à Naples en1952 est connu pour une peinture figurative emprunte d'une charge symbolique. L'ami d'Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat – ils ont réalisé ce qu'on appelle des « collaborations », des peintures à trois mains- qui est parti en Afghanistan avec Alighierro Boetti en 1974 et qui a été photographié par Robert Mapplethorpe en 1982, partage depuis de nombreuses années sa vie entre l'Inde qu'il a fait sienne et New York. Son répertoire iconographique et métaphorique puisent dans les traditions occidentales et orientales avec des figures qui subissent des transformations, déformations, contorsions. Les autoportraits font aussi partie de son vocabulaire récurrent. Dans l'insécurité de la fin des années 2010 on a assisté dans l'art à un retour à la figuration et à une déferlante de spiritualité, y compris dans la création plastique. Francesco Clemente n'aime pas utiliser le mot de « spiritualité « qu'il trouve galvaudé alors on dira que cela fait bien longtemps qu'il produit une peinture à la vocation métaphorique. Je l'avais rencontré la première fois en 1995 à l'occasion de son exposition organisée par son marchand historique, le zurichois Bruno Bischofberger, à Chenonceau. J'étais alors une journaliste débutante et je dois avouer que je n'avais pas reconnu celui qui l'accompagnait ce jour là : le poète mythique américain Allen Ginsberg. Les années ont passé et Clemente est un artiste qui sans le faire exprès, juste en étant celui qu'il est depuis toujours, s'inscrit aujourd'hui parfaitement dans l'air du temps. J'ai eu un choc en recevant les images de sa galerie à Bruxelles, Maruani-Mercier. C'était il y a quelques semaines qu'elle montrait le travail qu'il a réalisé pendant le confinement à New York. Les tableaux sont saisissants de force. Quatorze peintures baptisées « bestiaire » mais qui montrent des figures de la mythologie médiévale mi humaines mi animales issues de la tradition qu'on qualifie en italien de « Grilli ». Clemente explique qu'il ne sait pas pourquoi il a inscrit des dates en gros dans la composition. Il émet l'éventualité d'une influence des estampes japonaises qui incrustaient en marge de l'image une poésie. Clémente s'inscrit aussi parfaitement dans notre époque parce qu'il a une conscience aigüe de la multiplicité des réalités géographiques. Il dit par exemple, dans une vision qui coupe court à une tentation ethnocentriste, que le confinement existait déjà depuis bien longtemps en Syrie ou au Soudan. Il parle avec une grande simplicité et générosité de choses aussi diverses que son séjour avec Boetti en Afghanistan en 1974, de la notion de pauvreté, de son amour de New York et de l'Inde et surtout de comment il a conçu cette iconographie de confinement. Son rêve d'aujourd'hui c'est prendre l'avion pour voler vers l'Inde mais aussi visiter Ispahan. 

 

Francesco Clemente se réinvente extraordinairement pendant le confinement. Si on a assez d'expérience pour ne pas dire d'années, dans le monde de l'art on aura entendu parler de Francesco Clemente depuis la fin des années 70. Fameux représentant de ce mouvement pictural italien qu'on a appelé la Trans-avant-garde qui traitait de peinture à un moment où cet exercice était remis en question, Clemente est devenu une star dès les années 80 à New York. L'artiste né à Naples en1952 est connu pour résumer maladroitement, par une peinture figurative emprunte d'une charge symbolique. L'ami d'Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat – ils ont réalisé ce qu'on appelle des « collaborations », des peintures à trois mains- qui est parti en Afghanistan avec Alighierro Boetti en 1974 partage depuis plusieurs années sa vie entre l'Inde qu'il a fait sienne et New York. Son répertoire iconographique et métaphorique puisent dans les traditions occidentales et orientales avec des figures qui subissent des transformations, déformations, contorsions. Les autoportraits font aussi partie de son vocabulaire récurrent. Dans l'insécurité de la fin des années 2010 on a assisté dans l'art à un retour à la figuration et à une déferlante de spiritualité, y compris dans la création plastique. Francesco Clemente n'aime pas utiliser le mot de « spiritualité « qu'il trouve galvaudé alors on dira que cela fait bien longtemps qu'il produit une peinture à la vocation métaphorique. Je l'avais rencontré la première fois en 1995 à l'occasion de son exposition organisée par son marchand historique, le zurichois Bruno Bischofberger, à Chenonceau. J'étais alors une journaliste débutante et je dois avouer que je n'avais pas reconnu celui qui l'accompagnait ce jour là : Allen Ginsberg. Les années ont passé et Clemente est un artiste qui sans le faire exprès, juste en étant celui qu'il est depuis toujours, s'inscrit aujourd'hui parfaitement dans l'air du temps. J'ai eu un choc en recevant les images de sa galerie à Bruxelles, Maruani-Mercier. C'était il y a quelques semaines qu'elle montrait le travail qu'il a réalisé pendant le confinement à New York. Les tableaux sont saisissants de force. Quatorze peintures baptisées « bestiaire » mais qui montrent des figures de la mythologie médiévale mi humaines mi animales issues de la tradition qu'on qualifie en italien de « Grilli ». Comme Clemente l'explique dans son interview il ne sait pas pourquoi il a inscrit des dates en gros dans la composition. Il émet l'éventualité d'une influence des estampes japonaises qui incrustaient en marge de l'image une poésie. Clémente s'inscrit aussi parfaitement dans notre époque parce qu'il a une conscience aigue de la multiplicité des réalités géographiques. Il dit par exemple que le confinement existait depuis bien longtemps en Syrie . Il parle avec une grande simplicité et générosité de choses aussi diverses que son séjour avec Boetti en Afghanistan en 1974, de la notion de pauvreté, de son amour de New York et de l'Inde et surtout de comment il a conçu cette iconographie de confinement. C'était intéressant de le questionner sur le système de l'art aujourd'hui -il vient aussi d'exposer à la galerie Levy Gorvy à New York- mais j'avais bien deviné qu'il n'aimerait pas aborder la question. Son rêve d'aujourd'hui c'est prendre l'avion pour voler vers l'Inde mais aussi visiter Ispahan.

26.11.2020