Gavin Turk : portrait du sculpteur en chien de chasse

Revue des Deux Mondes
Bertrand Raison pour Revue des Deux Mondes 


Au lieu de s’efforcer à tout prix de se faire un nom, c’est-à-dire de faire reconnaître sa signature à travers un style particulier, ce que fait à peu près tout le monde sur le marché hyper concurrentiel de l’art, Gavin Turk a décidé de s’y prendre autrement. Normalement tout un chacun tente de prouver sa singularité à l’issue d’un certain nombre d’œuvres, espérant imposer une originalité qui lui serait propre, gage ultime pour convaincre les collectionneurs et le public.

 

Or, celui qui fait désormais partie des Jeunes Artistes Britanniques (YBA) repérés par Charles Saatchi au début des années 1990, ne l’entend pas de cette oreille. Il choisit le pas de coté et commence même très fort. Pour son diplôme de fin d’année du Royal College of Art de Londres, il présente au milieu d’un atelier désert une simple plaque ronde bleue sur laquelle on peut lire en lettres blanches l’inscription suivante : « Gavin Turk, sculpteur, a travaillé ici de 1989 à 1991. » Induisant par là que l’impétrant a déjà fait ses preuves, voire qu’il appartient à l’histoire et que l’école n’a plus rien à juger.

 

Naturellement indisposée, l’administration ne lui a pas validé son année, mais ce coup d’éclat lui a permis de rejoindre le fameux groupe estampillé par Saatchi et dans lequel on trouve entre autres, Damien Hirst, star parmi les stars artistiques.

 

Toutefois le geste, pour impertinent qu’il soit, ne relève pas seulement d’une insolence passagère au fumet vaguement surréaliste ou dadaïste mais d’une attitude pérenne que l’on retrouve tout au long de son parcours. Effectivement, cette plaque commémoratrice, outre la provocation d’un hommage incongru, interroge le statut même de l’artiste, sa célébrité, son identité, et cette question sera poursuivie et tournée dans tous les sens.

 

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16.4.2018