Arne Quinze, À fleur de peau

Go Out!

By Mina Sidi Ali for Go Out! Magazine

 

L’art tout entier de Quinze Arne s’inspire des beautés de la nature et des fleurs en particulier, qu’il passe des heures à cultiver et à étudier dans son jardin sauvage savamment aménagé autour de sa maison. Son arme de construction massive? La beauté. Son dessein? Nous interroger et nous convier à renouer avec nos racines: la nature! Hôte d’honneur de la foire d’antiquités et d’objets d’art Brafa (19-26 juin), le plasticien déploiera ses pétales de talents à travers des peintures de grand format, dont un quadriptyque inspiré de son jardin aux quatre saisons, une série d’œuvres sur papier, une sculpture monumentale, des installations spatiales, sonores et vidéo, sans oublier un dessin du tapis.

 

Tête à tête coloré avec un talent géant comme ses oeuvres – aussi prolifique que philosophique. 

 

Vous êtes l’hôte d’honneur de la foire d’antiquités et d’objets d’art Brafa. Que nous réservez vous lors de la manifestation? 

C’est une surprise! Mais je peux déjà vous affirmer qu’il y aura beaucoup de couleurs. C’est essentiel dans cette vie remplie de gris surtout quand on vit dans un milieu urbain. L’homme s’éloigne de la nature et sa beauté. Je me sens investi par une mission: celle d’apporter de la couleur dans nos vies!

 

Vous avez débuté votre carrière artistique en tant que graffeur. Du street art à l’art public, il n’y a qu’un pas. On retrouve ici une griffe dissidente…

J’ai grandi dans un petit village au beau milieu de la nature entouré d’animaux, d’insectes et de plantes. À l’âge de 9 ans, on a déménagé à Bruxelles. J’imaginais Star Wars ou Avatar, un lieu fantastique. Mais la déception fût grande que j’ai découvert une cité grisâtre, terne où tout était monotone où les baraques étaient limitées par leurs murs de béton. Par rebellion, je me suis entouré de mes couleurs. J’ai commencé par peindre des murs, des métros….Quand j’avais 15 ans, j’avais peint une rame de métro qui devait être inaugurée le lendemain. C’était du pure vandalisme mais une grande partie du public présent a pensé que cela faisait partie du show et a applaudi! Cela a crée un débat entre ceux pour et ceux contre cette intervention. J’ai aimé l’énergie dégagée et cela m’a fait un déclic: j’avais trouvé comment reconnecter les gens. Notre premier contact avec le monde se fait dans une salle d’hôpital entre 4 murs en briques, puis on passe le plus clair de son temps durant son enfance à l’école entre 4 murs de béton, idem pour le travail plus tard et on finit dans un cercueil entre 4 planches de bois. Je ne comprends pas comment l’homme a pu se distancer autant de la nature. Les murs nous distancient les uns des autres. J’ai passé beaucoup de temps a étudié les habitats. C’est en se reconnectant à la nature que l’homme pourra revivre en symbiose et épanoui en zone urbaine à travers la notion de diversité et d’équilibre. J’aimerais qu’on tende vers ces villes humaines où prévalent les interactions sociales.  

 

Et vous où habitez-vous? Il y a t’il encore des murs dans votre maison?

J’ai investi une vieille écurie et j’y ai mis plein de couleurs et cassé plein de murs! (rires) Je vous avoue que je vis dans un quartier résidentiel entouré de voisins aux jardins tondus à la perfection. Je suis à l’encontre de cette tendance, ce qui a tout d’abord effrayé le voisinage. J’ai amené plein de pelleteuses et j’ai planté 25’000 plantes avec des centaines d’espèces différentes. Puis, j’ai ouvert mon jardin ce qui a rassemblé tout le monde. Cela me tient à coeur de planter. Depuis que je suis né (en 1971), l’Homme a détruit plus de 40% de la faune et la flore. N’avoir que du gazon bien vert, cela s’apparente à un desert. Il me semble essentiel de redonner à la nature un peu de tout ce qu’on lui prend en plantant. Cette notion de partage et d’ouverture est primordial dans mon travail. Ainsi, je souhaite également qu’on ouvre les espaces culturels trop souvent emmurés.

 

Vous avez réussi le pari d’intégrer des musée. Selon vous, est-ce un dilemme d’être un artiste de la rue, spécialisé à investir des espaces publics puis l’art institutionnel, muséal? 

 

Le dialogue est complètement autre. La démarche artistique est différente. Quand je réalise une installation dans la ville, c’est pour réagir à l’environnement. Je ne suis pas là pour créer un consensus mais pour les connecter et provoquer un dialogue. Dans un musée, j’amène mes couleurs et mes fleurs en apportant le dehors à l’intérieur. Et vice versa. Je veux ouvrir le musée à l’extérieur. Nous devons apprendre à regarder, à embrasser la beauté de la nature. C’est ce que j’essaie de transmettre à travers toutes mes œuvres.

 

Il y a chez vous une vraie démarche écolo-responsable. Quels sont vos matériaux de prédilection pour créer vos gigantesques installations ?

 

C’est très difficile de vivre complètement écolo. Cela passe d’abord par son alimentation. On tend du mieux qu’on peut vers cet idealtype. Dans ma vie privée, je roule en voiture électrique et j’use de panneaux solaires. Pour mes créations, je n’use que de matériau recyclable à 100%. Ainsi, je n’use désormais plus que d’acier et d’aluminium. Ce n’est pas le plus écologique mais en contrepartie je plante un maximum de plantes. Pour un artiste, ce n’est pas évident. Même la peinture à l’huile n’est pas recommandé. Mais ces enjeux dépendent avant tout des actions de nos politiciens.

 
10.3.2022